Citoyens et institutions face à la crise.

Les prospectivistes qualifient la pandémie actuelle de Covid-19 de « collapus global » : une crise majeure et ultime aux dimensions sociale, financière, économique et sanitaire.
Un tel scénario-catastrophe était encore considéré comme très improbable ou complètement irréaliste par les gouvernants jusqu’en 2007. Mais la crise financière de 2008 nous avait déjà rappelé notre fragilité économique et les prévisions des climatologues nous alertent sur la fragilité de notre planète. Cette épidémie de coronavirus, confirme notre vulnérabilité et rappelle la nécessité de nous préparer à mieux gérer les crises à venir.
Le rôle des citoyens en période de crise :
Les gouvernants ne peuvent à eux seuls régler tous les problèmes et doivent pouvoir s’appuyer sur l’aide des citoyens. Nous avons donc une responsabilité individuelle et collective. Par exemple, l’action des « premières et deuxièmes lignes », ces personnels de santé, des forces de l’ordre, de la distribution, des transports, de l’énergie et tant d’autres, dépend du comportement du reste des citoyens.
En effet, la population doit faire preuve de calme, de patience, de discipline et de solidarité. Le moindre manquement à ces principes cardinaux peut engendrer la panique et amplifier les effets de la crise.
Albert Einstein ne savait pas que nous connaitrions cette épidémie de Covid-19 lorsqu’il dit « C’est durant la crise qu’apparaît ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous ». Cette citation raisonne pourtant à nos oreilles lorsque nous pensons aux comportements observés durant la période difficile que nous traversons individuellement et collectivement.
D’un côté, nous observons beaucoup de bienveillance, de solidarité, et une capacité à prendre du recul depuis le début de la pandémie. Les applaudissements chaque soir en soutien aux personnels soignants sont en effet émouvants. De nombreuses personnes ont profité de cette période de confinement pour prendre des nouvelles de proches, aider leurs voisins âgés ou offrir des services gratuits à distance. Des artistes se sont mobilisés pour nous divertir et certaines entreprises ont fait des dons remarquables.
D’autre part, nous avons aussi vu des comportements égoïstes, cyniques voire malhonnêtes. Certains refusant d’appliquer les consignes de sécurité, d’autres dévalisant les supermarchés, volant des masques, ou pire, inventant des escroqueries en tous genres.
Tout cela prouve que nous ne pouvons pas compter uniquement sur la responsabilité individuelle des citoyens pour gérer sereinement ces situations d’urgence et que la gestion de crise nécessite une action concertée de nos dirigeants et nos institutions.
Le rôle des institutions et des gouvernants :
Une des principales missions des dirigeants est d’assurer la sécurité des citoyens de fournir une protection des personnes et des biens mais aussi une protection financière des individus et des entreprises.
Dans cette optique, le rôle de nos institutions et de ceux qui les dirigent est d’anticiper et se préparer pour mieux réagir en temps de crise. Il faut savoir analyser, évaluer et hiérarchiser les risques principaux et leur trouver des parades. L’exemple de la gestion des stocks de masques de protection, du gel hydroalcoolique ou des tests a montré à quel point l’anticipation est à la fois indispensable et difficile à gérer.
Ensuite, nous attendons une capacité de réaction en fonction de la probabilité qu’un évènement se produise et des risques liés à son occurrence. Ceci nécessite de disposer de moyens et outils de veille, de prévision et si possible de prévention. Le délai de réaction des différents gouvernements pour passer en phase de confinement a illustré cette difficulté à évaluer les risques. Les anglais et les américains ont par exemple nié la gravité de la pandémie avant de changer de position. Certains pays comme la Suède ont misé sur la discipline de leur population. D’autres, comme la France, ont adapté et renforcé ces mesures au gré des informations reçues et des recommandations des autorités sanitaires. Le Brésil, quant à lui, a fait le choix d’ignorer les risques et de continuer de vivre normalement. Il nous faudra sans doute attendre plusieurs mois, voire années pour savoir ce qu’il était juste de faire.
La rapidité et la justesse des prises de décisions nécessitent une solide organisation, définissant les rôles et responsabilités de chacun. Ainsi, la mise en place de réunions interministérielles et l’activation de la cellule interministérielle de crise (CIC) a permis de coordonner les actions, les scientifiques ont fourni leurs recommandations, la police a veillé au respect des règles de confinement, le service de santé des armées est venu en soutien et les institutions politiques ont validé la conformité des mesures d’urgence à l’esprit démocratique.
Il est ensuite nécessaire de trouver un bon équilibre entre la prise de recul nécessaire pour écouter les avis des spécialistes et la capacité à trancher lorsqu’il le faut ou lorsque ces experts ne s’accordent pas. Par exemple, lorsque les représentants du conseil scientifiques réclamaient un confinement total, les autorités ont pris en compte les risques psychologiques pouvant entrainer des états dépressifs voire des violences domestiques et ont opté pour un confinement relatif.
Par ailleurs, l’attente envers les dirigeants est considérable concernant la communication. Les populations réclament clarté et cohérence afin d’être rassurées. La difficulté étant de trouver le bon équilibre entre « transparence » et « prudence ». En effet, la peur de l’inconnu ou l’impression qu’on nous cache la vérité peut générer de l’angoisse. Jouer la carte de la transparence peut permettre d’éviter la panique. Il est néanmoins difficile de rassurer et d’être transparent lorsque l’on manque soi-même d’information. Cela était le cas pour expliquer le manque de masques ou les progrès du protocole de recherche de traitement européen « dicovery ». Il est important de ne pas livrer brutalement des données de nature à renforcer un climat anxiogène ou qui pourraient être contredites ultérieurement, faisant perdre tout crédibilité. Machiavel ajouterait même qu’il peut être nécessaire de dissimuler au peuple certaines informations, s’il en va de son intérêt.
Et puis, les citoyens ont besoin de sentir que leurs dirigeants sont présents et actifs. Lorsque le navire est pris au beau milieu de la tempête, le premier réflexe du capitaine n’est pas de se cacher dans sa cabine en espérant l’arrivée d’une accalmie miraculeuse. Toujours sur le pont, il est au contraire le premier à donner le rythme de la manœuvre afin d’inciter ses troupes à redoubler d’efforts. A cet égard, les points quotidiens d’information et les déplacements de nos gouvernants sur le terrain ont été très orchestrées.
Enfin, la solidarité attendue de la part des individus peut s’appliquer au niveau des états. Une coordination entre les pays pour partager l’information, s’entre aider et agir de concert augmente les chances de résoudre la crise. Le transfert de malades en Europe pour soulager les services de réanimation est un bon exemple. La compétition pour obtenir coute que coute du matériel ou des médicaments en est un moins bon.
Mais l’heure n’est pas au jugement. Les choix et les actions de chacun devront être observés à la lumière des suites de cette crise. Car il ne faut pas oublier que la qualité première que nous devons attendre de tous, dirigeants comme citoyens dans une crise de cette ampleur est « l’humilité » ! Savoir reconnaître que personne n’avait vraiment prévu une telle catastrophe et qu’il serait trop facile de dire ce qu’il aurait fallu faire après la bataille. Lorsque la crise sera derrière nous, il sera temps alors de faire un bilan, de tirer les leçons et de rechercher les opportunités que nous offre cette situation afin préparer l’avenir car, comme le disait Winston Churchill : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté ».