Pourquoi et comment préparer une négociation ?

Il est coutume de dire que 90% du succès d’une négociation repose sur la préparation. Ceci signifierait que vos talents pour gérer le face à face ne vous seraient utiles qu’à hauteur de 10%. C’est sans doute excessif et forcement difficile à quantifier mais il est vrai qu’une négociation bien préparée permet de mieux anticiper et réagir pendant les discussions. Cela aide notamment à décrypter le véritable besoin de son interlocuteur au-delà de sa demande ou de sa position affichée grâce aux informations réunies en amont. Ainsi, si l’on veut créer de la valeur et que l’on veut obtenir des contreparties en échange de nos concessions, il faut avoir été capable d’imaginer des variables d’échange. Enfin, une bonne connaissance de ses interlocuteurs peut aider à mieux gérer les phases de tension. Tout ceci se prépare minutieusement et permet de gagner en confiance et en sérénité.
Voyons ensemble ce qu’il faut préparer, ce que cela signifie et comment le faire, au travers de quelques outils simples et pratiques.
La répartition des pouvoirs
Tout d’abord, il est utile de prendre du recul et d’essayer d’identifier quelle partie se trouve en position de force. Cela concerne plusieurs domaines. Le pouvoir « économique » dépendra de la nécessité ou non de conclure un accord. Le pouvoir de l’information permettra de connaitre les véritables besoins de l’autre partie. Le pouvoir du temps déterminera la pression pour aboutir. La pression personnelle dira si un des négociateurs reçoit, de l’extérieur, une injonction de réussir qui pourrait le fragiliser. Enfin, le pouvoir de « légitimité » dépendra de votre réputation, de votre crédibilité et jouera un rôle considérable sur votre confiance. Une réflexion sur ces différents critères vous permettra de mieux appréhender vos négociations. Pour cela, vous pouvez mettre en place une matrice visant à évaluer de quel côté penche le rapport de force sur les 6 critères suivants :
– Contexte et enjeux pour chacune des parties : difficile ou confortable ?
– Profil des négociateurs en présence : collaboratifs ou compétitifs ?
– Niveau de relation avec votre interlocuteur : solide ou conflictuelle ?
– Niveau de difficulté pour atteindre les objectifs fixés : ambitieux ou accessibles
– Niveau de pressions reçues par les acteurs : pression personnelle, argent et temps ?
– Niveau de confiance, affirmation de soi et crédibilité des acteurs en présence : qui est le plus légitime ?
Les acteurs en présence
Par ailleurs, il est nécessaire de bien connaître ses interlocuteurs et de comprendre leur rôle dans la négociation. On parle ici du processus de décision permettant d’identifier les véritables décisionnaires mais aussi du profil des négociateurs. Quel est leur style de négociation ? leurs motivations ? leurs ambitions personnelles ? En effet, on ne traite pas de la même manière avec un négociateur offensif, cherchant à atteindre ses objectifs par tous les moyens, quitte à vous déstabiliser comme on traite avec un négociateur en recherche de solutions équitables et plutôt « souple » dans sa gestion de la relation.
Après avoir réuni ces informations, vous pourrez établir une « matrice de relation ». Cet outil vous permettra de formaliser l’arbre de décision, le profil type de chaque interlocuteur, ainsi que votre niveau de relation avec les différentes parties prenantes. Il s’agira de positionner tous les acteurs intervenant de près ou de loin dans la négociation en fonction de leur niveau d’influence, de préciser leur mode préférentiel de négociation et de noter la qualité de votre relation sur une échelle de 1 à 10. Vous aurez ainsi en lecture directe les actions à mener pour interagir avec les véritables décideurs et travailler à l’amélioration de votre relation lorsque cela sera nécessaire.
Les objectifs de la négociation
Maintenant que vous avez analysé les forces en présence, vous pouvez fixer vos objectifs. Nous parlons bien sur des objectifs quantitatifs et des contreparties que vous souhaitez obtenir en échange des efforts que vous serez prêt à consentir mais aussi de leur priorisation. Il est primordial de savoir dissocier ce qui est indispensable, voire non négociable de ce qui est secondaire afin de pouvoir maintenir le bon niveau d’exigence tout en restant flexible et pragmatique. Ces objectifs quantitatifs devront être fixés de manière réaliste et raisonnable, tout en restant ambitieux.
Par ailleurs, vous devrez réfléchir à l’aspect général de votre objectif de négociation. C’est-à-dire la raison qui vous amène à accepter de négocier. S’agit-il de maintenir la relation, de créer de la valeur ou d’obtenir un accord à tout prix ? Il ne faudra jamais perdre de vue cet objectif fondateur et maintenir le cap pour assurer le succès de la négociation.
La stratégie et les tactiques
Ensuite, vous devrez établir votre stratégie et vos tactiques. Décider de la manière dont vous présenterez vos propositions, à quel rythme vous accepterez de concéder et comment vous demanderez vos contreparties. Il s’agira d’écrire le scenario de la négociation telle que vous pensez qu’elle se déroulera pour votre bénéfice. Pour vous aider à garder en tête l’ensemble des variables de négociation et pouvoir procéder à cet échange vous pourrez créer une « matrice de positions ». Il s’agit d’un tableau récapitulant l’ensemble des éléments de la négociation. C’est-à-dire la liste de ce que vous pouvez proposer ou demander ; d’y attribuer un coefficient de priorisation pour ne pas perdre de vue l’importance de chaque variable et d’estimer le coût et la valeur de ces options pour chacune des parties. Enfin vous pourrez, sur ce même outil, prévoir ce que vous annoncerez en début de négociation, ce que vous souhaitez réellement obtenir et votre point de rupture.
Ce scenario ne se déroulera probablement pas tel que vous l’aurez imaginé mais il vous permettra de mieux réagir et de pouvoir, à chaque instant, offrir des solutions pour sortir des impasses qui ne manqueront pas de jalonner la négociation.
Arguments et réponses aux objections
Enfin, vous serez prêt pour préparer votre discours. Vous travaillerez votre « story telling », c’est à dire une explication rationnelle des raisons pour lesquelles vous faite une demande. Plus vous serez clair et précis dans la justification de vos positions, plus vous serez crédible. Vous anticiperez aussi vos arguments pour repousser certaines demandes et essaierez de prévoir les possibles objections opposées par l’autre partie afin d’être prêt à y répondre sans vous trouver déstabilisé. Ce sera également l’occasion de préparer vos questions pour faire émerger la solution en cas de blocage. En négociation, comme dans la plupart des sciences humaines, ce n’est pas celui qui parle le plus qui domine la relation mais au contraire, celui qui questionne, dirige !

Le plus difficile dans la préparation d’une négociation est de réunir les informations mais aussi de pouvoir les organiser pour les rendre utiles. C’est un travail fastidieux mais qui mérite d’être fait avec sérieux pour gagner du temps, du confort et de la confiance. En effet, comme le disait l’ancien tennisman Arthur Ashe : « Une des clés du succès est la confiance en soi. Une des clés de la confiance en soi est la préparation. ». Une fois ce travail accompli, il ne vous restera « plus » qu’à mener le face à face pour atteindre vos objectifs…mais ça…c’est une autre histoire.