Les différences culturelles en négociation

« La règle d’or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de la même façon, nous ne verrons qu’une partie de la vérité et sous des angles différents ». Ainsi parlait Gandhi dans son œuvre « Tous les hommes sont frères ».
Ceci est tellement vrai lorsqu’il s’agit de négocier avec un ou plusieurs interlocuteurs de cultures différentes. Il existe tellement de facteurs susceptibles d’influencer la perception des faits, la compréhension des intentions et la prise de décision de chacune des parties.
Cela est vrai pour les négociations d’affaires entre deux entreprises, pour les accords diplomatiques à forts enjeux entre deux pays mais également pour le règlement d’un différend entre deux personnes dont les origines culturelles diffèrent.
Pour améliorer sa capacité à négocier dans un contexte international, il est nécessaire d’apprendre à se connaître, d’essayer de comprendre comment l’autre fonctionne mais aussi, et surtout, avoir envie de s’adapter à ses besoins.
Pour cela, il faut développer :
– Ses « Connaissances » : Lire, écouter, observer et faire preuve de bon sens
– Ses « Compétences » : Capacité à construire la relation, communication, contrôle de ses émotions
– Ses « Attitudes » : Volonté, empathie, ouverture d’esprit et prise de recul
Voici quelques exemples de domaines à prendre en compte tant ils influencent la relation et la prise de décision :
Les valeurs dans la culture :
Pour ne pas heurter le « cadre de référence » de l’autre, il faut connaitre ses valeurs et les respecter. Chacun aura sa propre « hiérarchie des valeurs » en fonction de son éducation, son milieu et sa propre sensibilité mais on retrouve des valeurs communes dans chacune des cultures. Et il est important de les respecter pour préserver la relation.
Par exemple, un américain valorisera la liberté, l’autonomie, la compétition et l’efficacité en priorité ; quand un Japonais privilégiera l’appartenance et l’harmonie du groupe, le respect des anciens et la patience ; et quelqu’un originaire du moyen orient louera la sécurité de la famille, l’autorité du père, le sens du compromis ou encore l’hospitalité.
Il faut à la fois construire sur les valeurs qui nous rapprochent et être vigilent pour ne pas froisser les sensibilités.
La perception du niveau de communication : Directe ou Indirecte ?
Ensuite Il est indispensable de comprendre l’impact du niveau de langage, du ton, et de la façon dont sont passés et reçus les messages.
L’institut Roffey Park a modélisé la perception du niveau de communication entre les cultures. Ils démontrent que lorsqu’un Hollandais, par exemple, pense s’exprimer de manière légèrement directe et naturelle, un Anglais le trouvera brutal et un Indien le considèrera carrément Impoli. Et si ce même Néerlandais pense s’exprimer de manière évasive, le britannique le trouvera indirect et notre ami Indien un peu trop direct.
La encore, une prise de conscience de l’impact de notre expression verbale et non verbale peut éviter des écueils et des tensions inutiles.
La gestion des émotions et le goût de la confrontation :
Par ailleurs, en négociation, dans la gestion des face à face, certaines cultures recherchent la confrontation quand d’autres sont plutôt dans l’évitement. De même, certains peuples contrôlent leurs émotions alors que d’autre les expriment librement. Ainsi, un Anglais, pourtant géographiquement proche d’un Français, pourrait être mal à l’aise de le voir laisser place à ses émotions dans la discussion et le trouver brutal dans sa manière de poser le différend. Et dans le même temps, le Français verra de la morgue et un manque de franchise dans l’attitude posée, réservée et anti-conflictuelle de l’Anglais.
La professeure Erin Meyer à développé la matrice ci-dessous pour illustrer cette différence d’approche de la négociation.

Matrice Erin Meyer en Français
Le rapport au temps
Un autre élément primordial à considérer lorsqu’on mène des négociations internationales est la relation au temps. Sans tomber dans le stéréotype du Suisse-Allemand rigides sur le respect des horaires, choqués par les retards d’un Italien, il est vrai que cet aspect de la relation revêt une certaine importance.
En effet, le rapport au temps est perçu différemment d’un continent à l’autre. Par exemple, les occidentaux perçoivent le temps qui passe comme les grains s’écoulant d’un sablier lorsque les Asiatiques le voient comme un mouvement circulaire et perpétuel, comme les saisons qui s’écoulent et reviennent chaque année.
Aussi, quand on connait l’importance de la gestion du temps dans la négociation et la pression que cela met sur l’interlocuteur le plus pressé, il vaut mieux connaître cet aspect culturel pour savoir s’il s’agit d’une tactique ou d’un fonctionnement naturel de son interlocuteur.
Le rapport à la forme et au contact physique :
Une maladresse est si vite arrivée. Comment savoir si votre interlocuteur est formel ou informel ? Comment deviner s’il s’attend à vous voir l’embrasser ou s’il préféra que vous restiez à distance ?
Connaître cet aspect de la culture de l’autre permet non seulement d’éviter des malentendus fâcheux mais peut également permettre d’accélérer la construction du lien. Prenons l’exemple des Sud-Américains, qui vous prennent dans leur bras pour vous saluer. Les repousser ou s’émouvoir de cet élan peut refroidir l’ambiance. Dans le même temps, ne vous risquez pas à enlacer un Chinois qui vous tend cérémonieusement sa carte de visite en s’inclinant et en la tenant à deux mains. Vous le mettriez mal à l’aise. Cela est vrai pour le contact physique mais aussi pour tout autre forme de contact. Rédaction de courriels, format de vos présentations, respect de la hiérarchie…etc.
Comprendre les us et coutumes et s’adapter aux règles de l’autre aide à construire la confiance.
La construction de l’accord :
Enfin, pour réussir ses négociations avec des interlocuteurs culturellement différents, il savoir comment l’accord se construit.
Tout d’abord, il faut connaitre le but recherché. Certains privilégieront le contrat quand d’autre mettront en avant la relation.
Ensuite, il sera nécessaire de prendre en compte la forme de l’accord. Pour certains il devra être spécifique et détaillé quand d’autres se contenteront d’un accord général, voire d’une poignée de main.
Et puis, il faudra respecter la méthode de construction de l’accord. Par exemple, pour les Français, le chef décide et les subalternes exécutent. Au contraire, pour les Japonais, c’est le Nemawashi (mot inspiré des racines du Bonsaï) qui prime. Chaque membre de l’organisation est sollicité, tous les avis remontent progressivement jusqu’au décideur qui prend en considération les avis et tranche.

Il n’est pas aisé de maîtriser toutes les subtilités des différences culturelles. Il est même parfois difficile de les accepter lorsqu’elles heurtent nos propres valeurs. Pour gérer cela au mieux, il faut tout d’abord avoir soif de comprendre et d’apprendre.
Aussi, et c’est peut-être le point le plus important, il ne faut pas tomber dans le piège de la caricature et du stéréotype car derrière chaque personne, quelle que soit sa culture, il y a un être spécifique, avec ses propres valeurs, croyances et besoins.
Le mieux est de prendre un peu de recul, d’observer, de se demander si ce qu’on l’on pense voir et comprendre est juste. Ne pas hésiter à poser des questions, à reformuler et se montrer tolérant.
Et puis, se demander quelle est la part de la barrière de la langue. En effet, nombre de frictions ne sont pas liées à des aspects culturels mais à de simples malentendus.
Mais attention, cela ne veut pas dire qu’il sera d’accord avec ce que vous lui proposez, il vous restera à négocier et ça…c’est une autre histoire.