Comment l’industrie 4.0 influence les négociations dans l’industrie aéronautique ?

Lors d’une de mes formations auprès des ingénieurs de SAFRAN, un participant m’a demandé en quoi il était nécessaire de se former à la relation client, la vente ou la négociation lorsqu’on était ingénieur de l’industrie aéronautique.
J’ai bien évidemment trouvé des réponses à sa question tant il est évident que ces sujets sont importants quel que soit le domaine ou l’industrie dans lequel on intervient.
Néanmoins, cette question a éveillé ma curiosité et, pour anticiper les interrogations du même genre que ne manqueront pas de soulever les participants de l’Executive MBA Aerospace de l’Université de TSINGHUA Beijing prochainement, je me suis interrogé sur ce sujet.
Après quelques recherches et consultation de mon ami Christian Raux, expert de la relation commerciale dans l’industrie aéronautique, j’en suis arrivé à la synthèse suivante :
L’industrie aérospatiale est déjà entrée dans l’ère de l’industrie 4.0 et sa transformation va modifier en profondeur la relation commerciale entre les acteurs.
En effet, le contexte du marché et son environnement oblige les grandes compagnies aéronautiques à revoir leur stratégie :
– Airbus et Boeing (pour ne citer qu’eux, vendent toujours autant d’avions mais la nécessaire customisation des modèles pour répondre à la demande de personnalisation des compagnies aériennes limite la visibilité dans le temps de la vente et raccourci la durée de vie des modèles. Le cycle de vie d’un avion aujourd’hui, sans être le même que celui d’une voiture, s’en rapproche. Ceci a un impact direct sur la marge mais aussi sur l’organisation des ressources humaines.
– L’accroissement du volume mais aussi de la qualité des données disponibles (datalog) ouvre le champ à de nouveaux services qui révolutionnent déjà les business modèles. On parle ici de connectivité et d’intelligence artificielle.
En conséquence, il faut trouver de nouveaux relais de création de valeur.
Aussi, lorsqu’on lit la communication d’Airbus ci-dessous, on comprend les enjeux et les implications de cette transformation :
 » Nouveau Business Model : nous cherchons à changer la façon dont nous et nos clients opèrent, en explorant la façon dont les technologies numériques peuvent améliorer les performances, stimuler l’innovation, et nous permettre de gagner en agilité. Nous envisageons de nouveaux modèles qui vont changer l’industrie, les marchés et l’expérience de nos clients. En créant de nouvelles façons de travailler, nous croyons que nous allons ajouter une vraie valeur à notre entreprise et pour nos clients. »
En filigrane, on peut dégager 4 sources d’opportunités :
1/ Elargir les champs d’action au-delà du rôle traditionnel d’assembleur aéronautique (construire des avions en assemblant les pièces fabriquées par les sous-traitants). Pour cela il suffit de réintégrer en interne la fabrication de certaines pièces (moteurs ? nacelles ?), génératrice de marge. Après la course à la sous-traitance, le mouvement de balancier tendrait à fabriquer soi-même certains composants de l’avion.
2/ Reprendre la main sur certaines activités de maintenance.
Les compagnies aériennes confient la maintenance de leurs moteurs aux sous-traitants qui les ont fabriqués et donc vendus aux avionneurs. C’est en partie ici que se trouve la valeur ajoutée et la marge. Mettre en place un service de maintenance pour concurrencer les MRO (Maintenance & Repair Overhaul) est une piste sérieusement envisagée par Airbus notamment.
3/ L’option « Connectivité embarquée » (IFES In flight entertainment services).
Si les fabricants d’avions parviennent à remplacer des systèmes d’écran dans chaque siège par une connectivité des smartphones ils y gagneraient en coût de fabrication, en poids embarqué et en maîtrise de l’expérience client (chaque passager sera identifié et aura une palette de services unique en fonction de son profil). En conséquence, l’avionneur dépendra moins de fournisseurs comme Honeywell et pourrait offrir plus de services payants aux compagnies aériennes.
4/ La connectivité au sol (Field connectivity).
L’avion reste le coeur de tout mouvement aéroportuaire mais ses données sont peu ou mal exploitées. Elles sont pourtant essentielles pour les intervenants de toute la logistique environnante (catering, camions, bus, bagages, réservations, ticketing…). L’exploitation des données disponibles peut rendre les rotations plus efficaces, mais aussi permettre de vendre de nouveaux services aux compagnies aériennes, agences de voyages, sociétés de prestations logistiques… Une manne dont il est difficile de mesurer la profondeur tant les opportunités sont nombreuses.

Cette évolution est déjà en marche et va inéluctablement modifier les rapports de forces entre les différents partenaires (fabricants, compagnies aériennes, sous-traitants, passagers, …).
Cela va casser les codes traditionnels et il sera alors indispensable d’avoir des équipes compétentes en matière de relation commerciale et rodée à la négociation pour permettre cette création de valeur attendue.
Enfin, il faudra savoir comment partager cette valeur pour le bénéfice de tous, mais ça, c’est une autre histoire 😉

Harmodeal
Conseil en négociation – médiation – formations commerciales
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